
Vous êtes peut-être tombés sur ces termes à la mode dans le monde du vin : vins sans soufre (ou sans sulfites), vin sans soufre ajouté, vin naturel, vin nature, vin propre. Je vous propose de vous transmettre ce guide pour vous y retrouver dans ce maquis. Et surtout, je vais vous présenter les pour et les contre pour vous aider à vous aventurer avec précaution et aussi avec joie sur ce terrain ! Acheter, déguster et boire des vins sans sulfites, oui, mais pas n’importe lesquels !
Glossaire des vins propres :
Le soufre dans le vin
Le soufre, plus exactement le dioxyde de soufre ou anhydride sulfureux (SO2), est un produit œnologique miracle : il est antiseptique, antioxydant, dissolvant. En clair, il évite que le vin s’oxyde, qu’il tourne au vinaigre et évite des contaminations, surtout lorsque les raisins à la base du vin ne sont pas d’une qualité sanitaire optimale. Même avec des raisins plus ou moins pourris, on peut faire un vin correct avec du soufre et quelques autres adjuvants œnologiques. Le soufre peut être ajouté à toutes les étapes de la vinification : à la vendange, pendant la fermentation, pendant l’élevage, à la mise en bouteille.
Vins sans soufre (ou sans sulfites) ajouté(s)
Le vin sans soufre ajouté est un terme qui a l’avantage d’être clair : le vinificateur n’a procédé à aucune adjonction de soufre lors de l’élaboration et de l’élevage du vin.
Il est important de ne pas oublier le terme “ajouté” parce que lors de l’élaboration d’un vin, la fermentation alcoolique transforme le sucre du raisin en alcool, produisant au passage du soufre naturel en petite quantité (10 mg/l). Donc, tout vin contient du soufre, soit uniquement naturel, soit à la fois naturel et ajouté. La législation permet de rajouter jusqu’à 160 mg/l de soufre pour un vin rouge, 260 mg/l pour un vin blanc, 300 mg/l pour un vin liquoreux.
Vins naturels (ou vins « nature »)
Le terme « vin naturel » n’est pas du tout réglementé à la différence du vin biologique régi par un règlement européen ou du vin biodynamique encadré par deux labels privés, Biodyvin et Demeter. Pour simplifier, le vin naturel devrait être un vin issu de raisins cultivés biologiquement sur un terroir donné, vendangés à leur maturité optimale puis fermentés sans adjonction ou avec une adjonction minimale de produits œnologiques, comme le soufre. La démarche est de faire du vin seulement avec du raisin. En effet, ce dernier contient tous les éléments pour se transformer en vin naturellement. Encore faut-il que la qualité de ce raisin et la maîtrise des vinifications soient excellentes pour ne pas avoir besoin de faire des “corrections” œnologiques.



Pour autant, quand on parle de vin nature, on tolère qu’il contienne du soufre ajouté en très faible quantité. Il est en effet très complexe de faire un vin sans aucune goutte de sulfite. On considère ainsi qu’un vin rouge nature devrait contenir moins de 30 mg/l de SO2 tandis qu’un vin blanc naturel moins de 40 mg/l. Les vins sans aucun soufre ajouté sont particulièrement rares.
Vins propres
Un vin dit “propre” provient de raisins propres. Ainsi, la vigne a été traitée sans l’utilisation de pesticide. Les raisins sont biologiques et peuvent prétendre à un label BIO. Lors de la vinification, aucun produit œnologique (sauf un peu de soufre éventuellement) n’est ajouté. Ainsi, un vin propre est généralement bio et naturel.
Il y a d’excellentes raisons pour acheter un vin sans soufre ou pour le moins “nature”. Et d’excellentes raisons pour ne pas en acheter ! Voici un tour d’horizon.
4 raisons d’acheter un vin naturel (sans soufre ajouté ou presque)
1- Un vin naturel « bien fait » est un vin présentant de la fraîcheur, du fruit, de la gourmandise et de la profondeur de bouche, soit 4 qualités indispensables pour un grand vin.
Peu de chances qu’une bouteille entamée ne soit pas terminée en raison de sa grande buvabilité comme disent nos amis vignerons !
2- Un vin naturel ou avec peu de soufre ajouté va sûrement être un vin propre puisqu’on mise sur une excellente qualité de vendange pour faire le vin sans intrants.
Ainsi, les vignes seront sûrement cultivées en bio, sans pesticides donc, ce qui est bon pour l’écologie et plus spécifiquement pour la vitalité des sols, des cours d’eau et des océans. Un agriculture conventionnelle pourra, en revanche, avoir des effets importants sur son environnement, malgré les régulations. L’étude datant de 2009 de Rick A Relyea Un cocktail de contaminants : comment des mélanges de pesticides à faibles concentrations affectent les communautés aquatiques montre comment un cocktail de produits phytosanitaires en faible quantité va décimer 99% de la population de la grenouille léopard dans un milieu aquatique.
3- Ce qui est bon pour l’écologie est souvent bon pour la santé ! Un vin naturel devrait être exempt de pesticides et contiendra très peu de sulfites, ce qui est loin d’être neutre !
La présence de résidus de pesticides dans l’alimentation a un impact probable sur la santé. L’étude publié par des chercheurs de l’INRA en 2018, Effet cocktail de pesticides à faible dose par l’alimentation : les premiers résultats chez l’animal montrent des perturbations métaboliques, montre de graves perturbations sur la santé suite à une exposition au cocktail de pesticides : diabète, accumulation de graisses dans le foie, perturbations hépatiques, modification du microbiote intestinal.Le soufre dans le vin est, lui, responsable du célèbre mal de tête, sans parler par exemple d’autres impacts comme la perturbation du sommeil et l’apparition récente d’allergies aux sulfites.Pour en revenir au vin nature, les doses minimales de soufre utilisées et l’absence de pesticides vont éviter ces effets délétères.
4- Dernière raison d’acheter un vin naturel, son étiquette est beaucoup plus agréable à regarder qu’une étiquette d’un vin classique où la présence des multiples mentions obligatoires annihile souvent toute ambition artistique ou ludique.



Voir un beau flacon donne l’envie d’ouvrir la bouteille !
4 raisons de ne pas acheter un vin nature
1- Qui dit vin nature dit vin à la mode.
Cette mode a débarqué à Paris, il y a une quinzaine d’années, avant de gagner toutes les (grandes) villes de France et bien au-delà. La nature serait bonne par essence. Erreur ! Sans l’intervention de l’homme à la vigne et en cave, le raisin mûrit mal ou pourrit et le vin s’oxyde ou tourne au vinaigre. Faire un bon vin nature est un exercice de haute voltige en raison des faibles doses de soufre dont les multiples propriétés sont bien utiles. Avec peu ou pas de soufre ajouté, le vigneron a besoin d’une vendange parfaitement saine et donc il doit cultiver sa vigne comme son jardin. Puis il doit effectuer des manipulations millimétrées en cave. Sans ce souci de perfection, une grande majorité de vins naturels sont truffés de défauts : ils « puent » l’étable, ils sentent le cidre, le vernis à ongle ou la noix, …
2- Même avec de légers défauts, les vins naturels finissent par tous se ressembler.
Ça sent bon la nature disent leurs adeptes. C’est plutôt que ça ne sent pas bon ! Et comment peut-on militer pour un vin qui devrait fleurer bon le terroir si finalement il ressemble à plein d’autres vins puisqu’il se caractérise avant tout par une aromatique relevant d’un défaut de vinification ? En outre, ces vins se conserveront très peu de temps.
3- Les industriels et des opportunistes finissent toujours par s’emparer des phénomènes de mode.
Donc, de gros faiseurs sur le marché du vin se sont mis aussi au vin naturel. Pour intégrer le mouvement, ils ont créé des étiquettes reprenant les canons des vins naturels. Mais, ces vins n’ont finalement de naturel que leur étiquette et éventuellement un label bio. En revanche, en cave, ils peuvent rajouter des dizaines d’adjuvants œnologiques qui n’ont rien de naturel mais qui permettent souvent de pallier la mauvaise qualité des raisins : chaptalisation ou acidification, levurage, sulfitage, traitement au charbon pour éliminer les arômes nauséabonds, j’en passe et des meilleurs !
Le vin naturel relevant des bonnes intentions d’un vigneron talentueux ne peut être ainsi comparé au vin naturel marqueté par un industriel peu scrupuleux.
4- Le grand vin ne se revendique pas d’une catégorie particulière (technologique, biologique, biodynamique, naturel, …)
Sa grandeur s’impose d’elle-même. Il y a donc beaucoup de grands vins naturels qui s’ignorent ! L’essentiel, ainsi, est d’acheter un grand vin, qu’il se revendique sans soufre ou non.
Pour conclure
Acheter ou consommer des vins contenant peu de sulfites, OUI, car au-delà de la présence du soufre, c’est toute une chaîne de qualité que le vigneron consciencieux voudra respecter : culture de la vigne en bio ou en biodynamie sur un terroir exceptionnel, obtention de raisins concentrés et d’un état sanitaire excellent, vinifications précises et naturelles. Le résultat dans le vin sera immédiat : le PLAISIR ! Mais, attention, tant de vins naturels sont loupés qu’il faut se méfier.
À moins d’être un connaisseur averti du monde du vin, vous aurez besoin d’un professionnel de confiance pour vous guider : sommelier, caviste, dégustateur. Il ne suffit pas que le vin soit naturel pour qu’il soit bon.
Et, petit à petit, apprenez à faire confiance à votre palais qui vous dira si vous prenez du plaisir ou non lors de la dégustation d’un vin. À condition de l’apprécier avec une juste portion !
Salut Mathieu, je n’avais pas encore commenté un de tes articles, maintenant c’est chose faite. Je partage ton analyse sur les vins sans sulfites. Avoir un peu de connaissance permet de mieux s’y retrouver et ainsi faire le bon choix. Le mieux est de tester avec modération car beaucoup de choix 🙂
Merci Mathieu pour le retour d’expérience 😊