Ma première vidéo se déroule dans mon cher vignoble du Muscadet avec ma très chère vigneronne et poète, Jocelyne LANDRON, des domaines LANDRON. Ces domaines ont été parmi les premiers dans le Muscadet, dès les années 1980-1990, à promouvoir une politique de qualité : faible rendement, vinification par parcelle, conversion en culture biologique, propulsant leurs vins sur les grands tables.
Jocelyne nous livre ici sa vision du vin à table, elle nous explique comment elle fait de sa table une fête du partage, comment elle célèbre les aliments et le vin tout en les accordant. Enfin, elle nous livre quelques actualités du domaine.
Pour visionner l’interview, cliquez ici.
Texte de l’interview de Jocelyne LANDRON des domaines LANDRON
C’est la première interview de mon blog et de ma chaine YouTube, les Festins du quotidien et ça me paraissait tout à fait approprié de commencer par une vigneronne comme toi qui participe aux vins remarquables des domaines LANDRON.
Quelle est la place pour toi du vin dans les festins du quotidien ?
Pour moi, dans les festins du quotidien, évidemment, le vin a une grande place.
Parce que l’assiette peut être bonne, mais si elle n’est pas accompagnée d’un bon vin, il manque quelque chose.
Quel est le rôle de l’étiquette ?
On voit d’ailleurs que les étiquettes ont beaucoup évolué ces dernières années pour faire des beaux objets. Il fut un temps, on aurait dit oh, l’important, c’est ce qui est dans la bouteille. Mais la présentation, c’est important et on y met beaucoup plus d’attention. Si l’étiquette doit être un peu en accord avec le vin, elle doit traduire un petit la nature du vin et quelque part aussi l’esprit du vigneron.
Alors cette étiquette Amphibolite, alors pourquoi Amphibolite ? C’est le nom d’une roche. C’est une roche-mère qui est issue du gabbro. Et donc on est ici en Sèvre-et-Maine et en particulier à la Haye-Fouassière. On est sur un métamorphisme du gabbro et ça nous donne une de ces fameuses roches vertes qu’on appelle les amphibolites.
Alors l’idée de cette cuvée est née dans les années 1993. L’idée était de laisser le vin tel qu’il était issu de ce terroir, sans chaptalisation, c’est à dire, sans rajout de sucre. À l’époque, on rajoutait du sucre. Il y a eu un enthousiasme sur ce vin. À l’époque, la cote Gault&Millau avait dit : »ce n’est pas péjoratif, c’est un vin de soif comme on n’en fait plus”.
On s’est dit : ça va être éphémère, cela ne va pas durer. 1993 aujourd’hui 2022, l’Amphibolite, on en manque toujours. Donc, c’est devenu un peu la cuvée emblématique du domaine. Elle appelle à la sobriété. On sent que c’est un vin immédiat qui est sur la fraîcheur. Et l’étiquette, elle doit rester très sobre. L’étiquette épouse le vin et le vin épouse bien l’étiquette.
Est ce que pour toi, le vin a une place quotidiennement à table ?
Oui, le vin peut avoir une place quotidiennement à table parce qu’on a aujourd’hui des vins à faible teneur en alcool. Il faut sortir du registre : le vin ça alcoolise. Ça alcoolise si on en boit trop,
mais si on en boit de façon très modérée, boire deux-trois verres sur un quotidien, sur une journée, ça n’a rien de mauvais à partir du moment où c’est dégusté avec un plat et pas bu sauvagement. Ça amène de la convivialité et ça amène du plaisir aussi.
Manger un plat sans qu’il y ait un plat à côté ?
On n’est pas obligé de boire beaucoup. Ça peut être un demi-verre, ça suffit. Mais de trouver l’accord avec le plat, c’est vraiment pour moi presque essentiel.
Et en quoi un vin sert un plat finalement ?
Alors il sert un plat qu’il va venir souvent rehausser. Il va mettre en valeur le plat. Par exemple, notre cuvée Amphibolite et huîtres. Si on mange une huître, elle est souvent iodée ou citronnée. On va boire un petit peu d’Amphibolite, ça va nous mettre en avant le côté citronné ou iodé de l’huître. Ça va multiplier les sensations. Au niveau du goût, ça va augmenter la capacité de l’huître, ça explose. Et le vin, il est là pour ça. Mais quelques fois, c’est le plat qui va venir amener quelque chose au vin, c’est assez curieux. Ce sont des épousailles entre les deux.
Le plat peut servir le vin, aussi ?
Totalement. Il y a des restaurateurs qui vont par exemple dans leur choix faire des plats puis
ils vont chercher le vin qui va aller avec. Mais il y en a qui vont par exemple prendre le vin et chercher le plat qui pourrait aller avec. On a une multitude d’accords possibles.
Comment est-ce qu’on doit servir le vin ?
Alors là, suivant les vins, il va y avoir plusieurs façons. la personne qui sert compte. C’est la façon d’amener le vin, de dire d’où vient le vin, qui l’a fait, dans quel état d’esprit il a été fait. Et ça, c’est important. Je sais que, au restaurant, je suis très sensible à ça. L’histoire du vin nous prépare à la mise en bouche. Si on connaît en plus les vignerons, c’est encore mieux parce que le vin est souvent représentatif du vigneron. Les bons vignerons, on les reconnaît, c’est leur carte de visite, leur vin. C’est important de rester simple dans la présentation d’un vin.
Et c’est aussi un prélude à la fête.
On commence à se mettre dans un état d’esprit. Si c’est un vin de Bourgogne, on imagine des paysages qui sont autres. Si c’est la Sologne, ça n’a rien à voir. J’aime bien qu’on travaille au niveau des cinq sens, qu’on ait en même temps le visuel quelque part. On imagine le vin, on connaît un peu notre géographie et on voit à peu près de quel endroit il vient.
Si on peut avoir quelques informations sur le domaine qui vont faire que le vin va être d’une certaine façon, c’est intéressant aussi ?
Pour les gens, c’est comme un jeu de piste. On leur donne quelques petits éléments et ça va les aider à découvrir au final le vin. Si on va acheter son vin chez le caviste, il faut lui demander le minimum d’informations. Mais c’est quand même mieux d’avoir le rapport humain.
C’est une grande chaine d’hommes, finalement, le vin et l’alimentation.
Et ça passe à travers l’humain, celui qui va acheter, celui qui vend, celui qui fait. On est toujours des messagers. Le vigneron transmet au caviste, le caviste transmet au consommateur et le consommateur, chez lui, va transmettre à ses amis. C’est toute une chaîne. Et c’est ça qui est génial dans le vin.
Et puis le vin, ça amène de la convivialité, de la joie.
Les gens qui aiment le vin, en général, ils aiment la vie aussi. Et quand tu parles de liens, il y a le lien de la vigne à la table et d’ailleurs, les gens vont venir directement acheter au domaine. C’est aussi un plaisir supplémentaire de voir in situ d’ou vient le vin.
Ça crée également du lien au sein de la table.
Totalement. Pendant le repas, les gens vont échanger. Alors déjà, le vin amène de la gaieté,
les langues se délient plus facilement, lorsqu’on boit un peu, ça désinhibe. À partir du moment où
c’est fait de façon modérée. Et les gens vont échanger, vont dire : qu’est ce que tu penses ? Ah tiens, je trouve ça, ça me rappelle telle chose et ça peut amener des discussions. Des gens qui ne sont pas dans un premier temps prêts, peut être, à échanger, eh bien, ils vont échanger parce que c’est le vin qui va créer l’échange.
À partir du moment où il y a une assemblée, ça amène de la convivialité.
Et on peut échanger autour de ce qu’a nourri le vin aussi, de comment les sens ont été alimentés ?
Bien sûr. Ça, c’est super important d’expliquer un petit peu la nature du vin, comment il a été fait, d’ou il est né, comment il est élaboré. Par exemple, sur le domaine, on a des vins qui vont être plus présents par exemple en bouche. Je pense, chez nous, à la cuvée Les Houx où c’est soyeux, ça tapisse les papilles, il y a du gras. Donc on est plus en bouche. On a des vins par exemple comme l’Amphibolite qui sont présents en bouche, mais dans un premier temps on sent le côté citronné. C’est plus olfactif et d’autre vont être plus gustatifs. Le nez, c’est commencer à découvrir les arômes en humant le vin.
Et, c’est finalement une sorte de mis en bouche aussi.
Totalement,. Quelques fois, la bouche ne correspond pas au nez. Mais ça, c’est comme les humains. On voit des gens : tiens, ils nous paraissent sympas. Et puis quand on apprend à les connaître. Oh non, finalement, ce n’est pas ce qu’on pensait. Plus d’austérité que prévu. Eh bien, le vin, c’est pareil. Ce n’est pas obligé que ce qu’on a trouvé au nez s’accorde avec ce qu’on a en bouche. Et ça, c’est ça qui est étonnant. Il y a du mystère et c’est ça qui est bien. Même si, par exemple, ici, on retrouve la trame de différentes cuvées, mais il y a toujours un côté étonnant. Chaque millésime est différent. On n’a jamais tout-à-fait la même texture de vin, les mêmes arômes, c’est toujours subtil. On ne peut pas dire ça y est, on va rien découvrir dans telle cuvée. Chaque année, on redécouvre nos cuvées.
Et on a toute une évolution après en bouteille qui fait qu’à chaque nouveau moment, ça peut être un vin qui va être différent.
Oui, l’Amphibolite, par exemple, est un vin éphémère. Pour moi, c’est le jeune enfant. C’est l’enfant qui donne tout d’un seul coup, sa colère, sa joie. Mais les Houx, par exemple, c’est plus l’homme ou la femme mature. Déjà, c’est plus pondéré.
Mais, au fil du temps, ça va être un vin qui va évoluer et qui va être très bourguignon dans l’évolution. On dit dans notre jargon que cette cuvée meursaute. Je l’aime quand elle a trois-quatre ans. Elle est belle quand elle a deux ans. Mais, pour moi, elle est encore plus belle quand elle a trois, quatre, cinq ans. L’Amphibolite, il n’a pas d’intérêt à la garder.
C’est quand tu dis ça meursaute, tu fais référence aux Meursault, en Bourgogne, en Côte de Beaune, qui ont des textures grasses, des arômes lactés ?
C’est ça. Et c’est un vieux cépage bourguignon, le melon de Bourgogne. En généalogie, si on peut dire, il est issu du chardonnay et c’est normal qu’en évolution, il s’approche d’un bourgogne. Alors pas sur tous les terroirs. L’Amphibolite n’évoluera jamais vers un bourgogne, mais la cuvée’ les Houx, plusieurs fois en dégustation, s’est confondue avec des bourgognes blanc. Et ça, c’est super intéressant de voir comment un « petit melon” peut être à la hauteur de grands bourgognes. On n’a pas à rougir.
On a les festins du quotidien, on a les festins aussi plus exceptionnels. Ça peut être le week end. Ça peut être un anniversaire, une fête de famille. Et, dans ces festins plus exceptionnels, un des plaisirs du vin peut être d’arriver à ce qu’on peut appeler une douce ivresse. Qu’est ce que tu penses, toi, de la douce ivresse ?
Oui, j’aime bien ce nom-là. La douce ivresse. C’est-à-dire, ce n’est pas l’ivresse dans sa plénitude, c’est un doux début d’ivresse. C’est quand on a suffisamment dégusté. Pour ne pas être malade surtout mais pour être bien pour se trouver dans un moment déconnecté de la réalité. On est dans le plaisir, on ne ressent plus toutes les les tensions de la vie, on est dans une petite déconnexion. C’est tellement des moments forts et partagés de se retrouver.
Tout en respectant son corps finalement.
Bien sûr, sans aller à l’excès. Il faut savoir à un moment s’arrêter. On a du plaisir. On sent très bien quand le corps n’en veut plus. C’est important de s’accorder ses petits et ses grands moments de plaisir et surtout avec des jolis vins, des jolis mets et dans une ambiance amicale ou familiale aussi. Là, on a atteint l’objectif.
Pendant le festin du quotidien, on peut célébrer tout ce travail qu’il y a eu avant pour produire les aliments et produire le vin ?
Totalement. C’est important d’avoir de la gratitude.
Ce soir, pour conclure, je mange dans mon festin une blanquette de veau. Est ce qu’il y a un vin des domaines Landron qui irait bien ?
La blanquette de veau ? Je parlais des Houx, c’est une cuvée qui ira très très bien. Elle épouse très très bien le veau. Une blanquette et un Houx de quelques années, bien quatre-cinq ans.
Merci Mathieu. Et que le blog fonctionne. C’est mon grand souhait.
Merci à toi Jocelyne et bon vent au domaine évidemment.
Propos très intéressants sur les accords mets/vins et le lien au producteur. On a hâte de connaître les futures suggestions du « festin du quotidien » !
Elles ne sauraient tarder ! Merci pour ce commentaire !